Handicap

Un jour, peut-être, si j'ai beaucoup de temps devant moi, j'achèterai Photoshop et j'apprendrai à m'en servir. Ou alors, je chercherai à comprendre pourquoi je tiens tant à communiquer par l'image, moi qui pendant tant d'années me suis tellement appuyée sur les mots.

Je bégaie.

Depuis que j'ai onze ans, à peu près - un peu avant l'entrée en sixième, mais comme ça s'est fait peu à peu je ne peux pas donner de date précise - les mots ne sortent plus de ma bouche avec régularité, ils se précipitent pour arriver les premiers, avant les autres, avant la fin de la phrase, avant que mon interlocuteur ne s'ennuie, avant que quelqu'un parle à ma place - avant je ne sais quoi.
Je crois que c'est un des handicaps à l'allure la plus comique, vu de l'extérieur. Même moi, ça arrive à m'amuser à l'occasion, c'est dire... Mais ça peut être une gêne considérable quand on a déjà du mal à faire part de ses opinions.
Au collège, vers 13-14 ans, parler sans problèmes était une utopie. C'était également la pire période de ma vie hors dépression. Je crois qu'il n'y a pas à chercher loin un lien entre le bégaiement et mon état psychique. Il est en tout cas prouvé que le bégaiement n'a aucune cause physique. Ça me fait une belle jambe.

Ça a bien diminué aussi, mais parfois encore, je rêve d'être muette pour ne pas avoir à parler. Entendons-nous (si je puis dire), je souhaite être muette comme on souhaite se casser une jambe pour échapper au cours de gym (ce qui m'est d'ailleurs arrivé), ce n'est pas un vrai souhait. Pas réfléchi, en tout cas.
Répondre au téléphone pour mon stage est une épreuve. Je suis tétanisée. Et quand les gens parlent ne serait-ce qu'un peu vite et que j'ai du mal à les comprendre (surtout parce que je suis à deux doigts de la panique absolue), je prends ça comme une punition personnelle.

Ce n'est pas facile de vivre avec une aire de Broca* qui disjoncte.

* aire du cerveau responsable, d'après l'article que j'ai survolé, de l'articulation des phrases - avant l'aire motrice, s'entend. Comme quoi je peux me la péter dans n'importe quel article.