Un peu en dessous de la ligne de flotaison

La forme a légèrement baissé après les fêtes et sans être déprimée, je suis "fatiguée", un peu molle, un peu désintéressée de tout (en particulier, comme toujours dans ce cas, de la nourriture ; heureusement que j'habite chez ma mère qui me nourrit, ou l'équilibre de mes menus aurait du souci à se faire, sans parler de la régularité des repas). Je sais que les choses vont rentrer dans l'ordre dans quelques semaines au plus, et que tant que je n'aurai pas trouvé de situation stable (boulot, logement, vie sociale) je serai toujours sujettes à ces petites pertes d'équilibre.

Les gens qui n'ont jamais été atteints de dépression ne peuvent pas savoir à quel point une chute de morale, même légère, peut transformer le comportement. Pour vous donner une idée, imaginez l'état dans lequel vous êtes en vous réveillant après une nuit trop courte et avec la perspective d'une journée harrassante, et transposez ça en état permanent. Je suis renfermée, irritable, mon image de moi est mauvaise. Je sais que ce n'est pas mon caractère normal, mais je suis incapable de l'imaginer.

C'est la grande magie des différentes phases d'humeur pendant une dépression. C'est comme si j'étais coupée en tranches. Chaque niveau de moral, du meilleur au plus bas, possède dans mon cerveau son propre réseau mémoriel. Techniquement, je sais que j'étais, à un moment X, mieux ou pire que maintenant, mais je suis incapable de me rappeler comment je me sentais. En revanche, pour les souvenirs des périodes où j'avais le même moral que maintenant, aucun problème. C'est effrayant, j'ai l'impression d'avoir plusieurs personnalités ! Par exemple, je sais que deux-trois fois ces dernières années, l'idée de suicide ne s'est pas contentée de me traverser l'esprit mais s'est carrément posée (c'est une phase normale). Sans être passée à l'acte ni même avoir eu beaucoup de mal à me retenir, je sais qu'à ces époques - qui duraient quelques heures à quelques jours - il y a eu un poids argumentatif pour. Est-il utile de préciser qu'en ce moment, ça me paraît aussi ridicule que de créer une bambouseraie au Sahara ?

Il semberait que quand on est dépressif, on est aussi multifacettes. J'entends déjà le mot schizo. Ça n'a rien à voir - je suis bien placée pour le dire, car plusieurs membres de ma famille sont touchés à des niveaux différents (oui, je sais, j'ai une famille formidable). La schizophrénie, c'est une folie très "vision du public", où le malade souffre d'hallucinations, ou ne sait pas trop qui il est, mais sans présenter plusieurs personnalités (la série Urgences avait présenté un bon cas avec une jeune femme enceinte de 2 mois qui avait arrêté ses médicaments dangereux pour le fœtus et était persuadée d'être à terme, et bien sûr avec le jeune homme qui a poignardé Carter et Lucy, croyant qu'on lui voulait du mal). La pathologie des personnalités multiples est beaucoup plus spectaculaire, mais ça n'a rien à voir. Fin de la parenthèse.

On est multifacettes, donc, et ça ne doit pas être évident pour l'entourage. N'ayant été que d'un côté de la barrière, j'ignore à quoi je ressemble de l'autre côté et ça me frustre un peu. Je m'efforce de ne pas rendre la vie impossible aux autres, je présente mes excuses si j'ai été plus sèche qu'il n'est socialement acceptable, j'explique à ma mère comment je me sens - pas qu'elle y puisse grand chose, elle n'y peut d'ailleurs rien, la pauvre ! En tout cas, pas que je sache - mais simplement pour la mettre au courant et ne pas me renfermer. C'est aussi tout un boulot d'admettre que les autres puissent être intéressés de vraiment savoir comment je me sens...

Un peu en dessous de la surface, donc ; je vois le ciel et je sais qu'il n'est pas loin, mais je ne peux pas encore accéder à la terre ferme. C'est peut-être le but ultime...

Comments

[claire]

Coucou! bon courage pour cette période difficile et rappelles toi tous tes progrès!
Claire

[fanette]

Bon courage ! continue, tiens le coup.

[Syven]

Je trouve que tu expliques avec beaucoup de justesse ce qui t'arrive. Tu ne manques pas de courage et de ténacité, ça va vite passer. Courage Mattéic ! Biz